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Le bouleversement systémique du retour en France

Dernière mise à jour : 19 janv. 2023


L’IMPATRIÉ VIT UN VÉRITABLE BOULEVERSEMENT. C’EST TOUT SON SYSTÈME DE VALEURS QUI EST CHAMBOULÉ. ET C’EST SOUVENT SEUL QU’IL VA DEVOIR SE RECONSTRUIRE...


Sur le plan personnel et émotionnel

Le retour dans sa culture d’origine est un bouleversement. L’identité de l’individu s’est modifiée au fil des années. Il a, sans contexte, mûri. Cette évolution a affecté sa façon de penser, ses valeurs, ses croyances.

Il rencontre des difficultés à mesurer l’ampleur de cette évolution. Il va faire face à des mixed feelings, tiraillé entre le bonheur de retrouver ses proches et malheureux de l’abandon de sa propre vie à l’étranger. Ces états émotionnels génèrent parfois une grande culpabilité.


Sur le plan professionnel

Sur le plan de l’activité professionnelle, le retour est souvent un vrai labyrinthe. L’impatrié va devoir renouer avec des stratégies françaises de recherche d’emploi, ou envisager une reconversion professionnelle indispensable, qu’il ne maîtrise pas, ou plus.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes, 60% des impatriés recherchent un poste dès leur arrivée sur le territoire et rencontrent des difficultés pour cela. Il faut noter que la grande majorité (88%) réalise seule ces démarches et 5% d’entre eux sont en accompagnement type APEC (Nesterenko and Fréant, 2019).


Sur le plan logistique

Que l’expatriation ait été dans un pays dont la langue parlée diffère de sa langue maternelle, ou dans un pays francophone dont l’accent diffère du français parlé en métropole, le retour dans le pays d’origine peut provoquer certains écueils. Ils seront variables selon la durée d’expatriation et le degré d’intégration dans la langue étrangère. À son retour, l’impatrié peut être confronté à des obstacles : embarras à trouver ses mots, perte de vocabulaire, mélange des langues, incapacité à traduire en français certaines expressions ou certaines idées. Cela génère :

  • Un sentiment d’incompréhension lorsqu’il éprouve des difficultés à s’exprimer dans sa propre langue, par le manque de vocabulaire, ou la pratique d’un nouvel accent.

  • Un sentiment d’abêtissement face au jugement qu’il perçoit (fondé ou non) de son entourage et de son réseau professionnel lorsqu’il ne trouve pas ses mots.

D’ailleurs, la langue est bien souvent perçue comme l’un des fondements de l’identité. Elle reste l’un des paramètres prédominants dans la perception de sa propre construction identitaire. Le fait de parler et écrire plusieurs langues au quotidien « constituent des actes d’identité », et représentent « un acte […] dans lequel se donne à voir et à entendre l’expression d’une identité sociale revendiquée, négociée ou contestée. »*.

On parle d’une forme d’insécurité linguistique comme la conséquence naturelle du contact avec un environnement plurilingue, et cela pourrait avoir comme conséquence le phénomène de glottophobie, forme de discrimination linguistique (Blanchet, 2016).

« La peur d’avoir l’air bête parce qu’incapable de s’exprimer clairement et tous ces mots que j’ai oubliés et ces nouvelles expressions que je traduis de l’anglais en pensant qu’elles sont françaises aussi »
« Moi je suis gênée de mon accent et de ne pas trouver mes mots »
« Les gens me demande si je suis français et me disent que je parle bien le français. C’est vraiment fatiguant ! »

Sur le plan géographique

L’influence du territoire et des espaces de vie sur l’individu est indéniable. Edward T. Hall, anthropologue américain, a défini l’espace de vie comme partie intégrante de l’Homme et de son identité, dans ses études des distances sociales, dite proxémie. Les conditions géographiques et climatiques du pays d’origine ou d’expatriation génèrent, elles-mêmes, une complexité d’adaptation. Par exemple, la personne qui revient de 15 ans d’expatriation au Canada et s’installe en périphérie de Marseille est confrontée à un tohu-bohu dans la pratique de ses activités de vie et de déplacements (activités sportives, espace de vie sociale…).

Élément fondamental de la dynamique du retour en France, le choix du lieu d’installation va dépendre des paramètres suivants :

  • Rapprochement familial

  • Proximité lieu de travail ou du potentiel d’activité professionnelle

  • Rapprochement de la nature

  • Proximité d’un aéroport international

  • Diversité culturelle de la ville, de la région, etc.

Le choix de la ville, le choix du quartier, dans ce déménagement à multiples facettes sont des facteurs de stress indiscutable pour l’individu.


Sur le plan culturel

Sur le plan culturel, de multiples variables entrent en lignes de compte :

  • Le pays d’expatriation et le degré de différences culturelles avec sa culture d’origine

  • Le degré d’interaction avec la culture d’accueil : plus on s’est immergé socialement et culturellement dans le pays d’adoption, plus il sera difficile de reprendre ses marques en France

  • Le degré d’interaction avec sa culture d’origine pendant la période à l’étranger : plus on a maintenu des liens étroits avec la France, plus il sera aisé d’y revenir.

  • L’environnement au retour : l’accueil institutionnel et le soutien de l’entourage peuvent être des agents facilitateurs au retour.

Lors du retour, l’impatrié peut avoir la sensation d’être au cœur d’un clash des cultures. Pendant la période à l’étranger, il est commun d’idéaliser, voire de fantasmer la France et sa culture. Dès sa prise de décision, il se met à rêver ce pays qui l’attend. L’impatrié navigue alors d’émotions en émotions, en passant par la nostalgie, l’excitation, la joie, la tristesse, le ressentiment, s’ensuit la période de lune de miel, suivi d’un dur retour à la réalité.


Sur le plan financier

Le retour est souvent synonyme de baisse du niveau de vie. Il peut être associé à des difficultés financières, voir une perte totale de revenu. Elle s’apparente à de la précarité pour certains, avec 22% des impatriés qui effectuent une demande de RSA. Un quart d’entre eux font aussi une demande d’aide au logement et 10% effectuent une demande de logement social (Nesterenko and Fréant, 2019 p. 24). Il apparaît donc douloureux, après avoir été en totale maîtrise de sa vie à l’étranger, de revenir à une situation personnelle s’apparentant parfois à un retour à la position d’adolescent et de dépendance.


Sur le plan administratif

Ce dernier point n’est pas des moindres. Les démarches administratives sont régulièrement mentionnées comme complications majeures par les impatriés. 95% des rentrants effectuent seuls leurs démarches administratives (Nesterenko and Fréant, 2019 p. 26).

L’impatrié doit faire face à des démarches administratives très lourdes : ré-affiliation à la sécurité sociale, CAF, Pole Emploi, Trésor Public, etc… À cela, s’ajoutent les démarches de visas et cartes de séjour des autres membres de la famille, dans le cas des familles binationales.

« C’est dur, la lourdeur administrative est compliquée à vivre, devoir tout recommencer à zéro et se sentir parfois étranger dans son pays tellement on ne connaît pas les procédés. »


Ce bouleversement à multiples facettes peut nécessiter l’accompagnement d’un coach professionnel dans la quête d’une reconstruction identitaire. Dans tous les cas, la préparation est le meilleur allié. Savoir à quoi s'attendre, et s'y préparer du mieux qu'on peut. Et demander de l'aide quand on ressent le besoin.




Sources:

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